Quand le handicap transforme le collectif

Interview de Christophe GUILLAUME – Manager d’équipe au sein de l’entreprise BD

Photo de Christophe GUILLAUME

Manager projets depuis douze ans, il a eu l’occasion de manager cinq équipes, et de recruter des collaborateurs en situation de handicap. Son retour d’expérience nous enseigne comment l’intégration d’un collaborateur en situation de handicap (maladie invalidante) peut être un élément qui soude le collectif.

Pouvez-vous nous faire partager votre expérience en matière d’intégration du handicap ?

J’ai managé il y a quelques années, une équipe responsable de concevoir, construire, tester des équipements de production en France, puis de les installer dans un second temps dans notre réseau de six usines produisant des seringues en verre (France, Etats-Unis, Japon, Mexique, Hongrie, Angleterre). Au sein de cette équipe se trouvait un technicien procédés. Ce collaborateur était atteint d’une maladie chronique évolutive et invalidante. Il subissait l’évolution de cette maladie qui progressait par poussées. Entre des périodes de rémission où tout semblait normal et où la personne ne laissait rien paraître, s’intercalaient des périodes de souffrance plus ou moins visibles, allant jusqu’à des absences liées à des incapacités temporaires. Il est arrivé que la personne soit quasiment bloquée à de nombreuses articulations -dont le bassin- et obligée de rester à domicile. Ces absences étaient parfois prévisibles et annoncées quelques jours à l’avance, parfois pas du tout. Je découvrais l’absence du collaborateur le matin même lorsqu’il n’avait pas pu se lever.

Qu’avez-vous aménagé, à quoi avez-vous veillé pour faciliter l’intégration de ce collaborateur ?

Ce technicien a vu son poste évoluer en particulier pour éviter les travaux physiques sollicitant les membres, bassin, dos, et articulations. Son travail se déroulant pour moitié au bureau et pour moitié en atelier, les phases d’atelier ont été adaptées en particulier en période de poussée de sa maladie. Idem pour les voyages, qui sont évités au maximum. La situation a été partagée avec le reste de l’équipe, ce qui a permis de dégager des solutions collectives pour pallier à ses absences, avec le moins d’impact possible sur l’activité du service.

En quoi cette expérience a renforcé le « vivre ensemble », la cohésion d’équipe, la solidarité ?

Cette expérience a réellement renforcé la cohésion d’équipe, en plaçant l’humain au centre des préoccupations quotidiennes, au même niveau que les aspects techniques, les objectifs à atteindre, ou la pression du résultat. Une plus forte cohésion d’équipe s’est installée, une entraide par exemple pour remplacer la personne au pied levé : des rotations avaient été instituées en fonction des jours de semaine. Les travaux sur machine les plus physiques ont été répartis sur d’autres collaborateurs. Les documents de travail étaient envoyés systématiquement par mail à la personne pour qu’elle puisse suivre l’avancement de ses sujets à distance, et pouvoir reprendre son travail dans de bonnes conditions.
Des séances de brainstorming nous ont permis de trouver des solutions collectives de ce type, sans ignorer ni isoler le problème, mais plutôt en l’intégrant.

Avez-vous constaté que l’intégration du handicap a permis de stimuler l’esprit d’équipe ou faciliter l’adaptation au changement ?

Oui indiscutablement. Au travers du dialogue et de la recherche de solutions d’intégration, il s’installe un autre regard, la compréhension que tout handicap peut arriver à chacun à tout moment de la vie. L’esprit de soutien et de solidarité en découle naturellement.

Qu’est-ce que cette expérience a modifié pour le collectif … et pour vous, concrètement ?

Ce fût une expérience enrichissante pour le groupe. J’ai pu constater la motivation de chacun à trouver des solutions, sans aucun doute. Je pense que  chacun en est sorti grandi puisque nous avons réussi à trouver un mode de fonctionnement qui n’avait que très peu d’impact sur les résultats attendus. Pour moi ce fût une expérience humaine très enrichissante, qui m’a donnée la conviction qu’intégrer la différence est possible, et permet de se dépasser, à condition d’en parler, et de consacrer le temps et l’énergie nécessaires à dégager des solutions collectives. Ensemble c’est possible !